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Le château de Versailles sous le règne de Louis XV

Sous le règne du successeur de Louis XIV, en apparence, rien n'avait changé et pourtant, ce fut tout l'esprit d'un siècle qui s'était transformé et Versailles en était le reflet.



Le roi Louis XV
Louis XIV mourut au château, dans la chambre que nous lui connaissons encore le 1er septembre 1715 au matin. Son successeur était son arrière-petit-fils, né le 15 février 1710 et prénommé Louis. On le connut désormais sous le nom de Louis XV (1710-1774). Le nouveau règne souleva dans tout le royaume une vague d'espoir et de sympathie immenses qui contrastaient avec la morosité et la rigueur de la fin du règne de Louis XIV. Vu le jeune âge du roi, une régence était nécessaire. Celle-ci fut confiée à Philippe II duc d'Orléans, neveu du feu roi. Dès que le grand roi eut rendu son dernier souffle, le Régent se hâta de quitter Versailles qu'il n'aimait pas et qui lui rappelait par trop le roi défunt pour transporter la cour à Vincennes puis aux Tuileries à Paris. Le château fut alors déserté, mais ne resta pas à l'abandon. Il était entretenu et pouvait accueillir la visite de souverains étrangers comme celle que fit Pierre le Grand, tsar de toutes les Russies en 1717. La cour demeura à Paris pendant sept années. C'est le 17 juin 1722 que, sur le souhait du jeune roi, elle réintégra Versailles. Louis fut fasciné par ce qu'il vit, et les témoins d'alors rapportèrent que le roi, parvenu dans la galerie des glaces, s'allongea à-même le sol pour mieux contempler les plafonds peints par Le Brun et, qu'à l'exemple du roi, toute sa suite fit de même. Versailles retrouva alors son rôle de centre du royaume et du gouvernement. Une vie de cour reprit lentement forme et l'étiquette retrouva sa place d'honneur. Hanté par la figure de son arrière-grand-père dont l'ombre planait dans chaque pièce du château, Louis XV ne voulut alors rien changer au palais et au cérémonial qui régissait la cour. Il ajouta même :"Je n'aime pas défaire ce que mes père ont fait". 

Le salon d'Hercule
Au contraire, au début du règne, le roi se fit continuateur. C'est ainsi qu'entre 1725 et 1736 il acheva le salon d'Hercule, dont les travaux étaient restés en suspens depuis la mort de Louis XIV. Ce salon, à la surface impressionnante, fut aménagé et décoré dans le plus pur style Louis-quartorzien avec des marbres polychromes et un décors majestueux. Le roi désirait conserver l'unité de style du grand appartement. Seule nouveauté, le plafond peint par François Lemoyne, représentant l'Apothéose d'Hercule et qui n'est pas compartimenté comme c'était le cas auparavant dans les salons du grand appartement (cas mis à part du salon de l'abondance mais de taille beaucoup plus réduite). 

Le cabinet de la Pendule
Cependant, les temps avaient changé et l'appartement de Louis XIV s'avérait bien trop inconfortable pour un homme du XVIIIe siècle. La chambre du roi était glaciale. Louis XV eut beau y faire construire une deuxième cheminée rien n'y fit. Louis XIV n'avait pas construit Versailles pour le confort, préoccupation qui n'était pas de son époque et encore moins la sienne. En hiver le château avec ses immenses salons en enfilades était impossible à chauffer et il faisait aussi froid au dedans qu'au dehors. Louis XIV pouvait bien supporter que son vin gelât dans la carafe rien qu'à traverser son antichambre, son arrière-petit-fils et sa cour devaient trouver cela bien incommode. Le XVIIIe siècle inventait le confort et la vie privée. Ni l'un ni l'autre n'avaient été prévus à Versailles où, de toutes manières, l'étiquette l'interdisait au souverain dont chaque acte quotidien était transformé en rituel quasi religieux. En outre la disposition des pièces qu'il fallait traverser pour accéder à la suivante ne le permettait pas non plus.

L'horloge astronomique
Lassé de cet inconfort, Louis XV se fit aménager à partir de 1737 un petit appartement dit aussi appartement intérieur à l'endroit même où Louis XIV vieillissant, qui commençait de goûter quelque peu aux charmes d'une vie plus intime, s'était fait aménager des cabinets intérieurs. Elle comporte notamment une chambre à coucher plus petite que la précédente et plus confortable, orientée au sud. Chaque jour le roi sacrifiait à la cérémonie du coucher, inchangée depuis son bisaïeul, dans la grande chambre royale. Une fois les courtisans partis, le roi se relevait pour aller dormir dans sa chambre. Chaque matin donnait lieu à la même mécanique dans le sens inverse. Ce petit appartement, aménagé tout au long du règne, est un témoin précieux du style Louis XV, de son évolution et aussi du goût du roi. Les cabinets présentent un décor de lambris dorés à la feuilles d'or d'un style rocaille qui ne répondait plus à l'exigence de symétrie voulue par le siècle précédent mais à la fantaisie et à la légèreté du XVIIIe siècle s'exprimant dans une série de courbes et contre-courbes caractéristiques. Outre l'élégance du décors, deux pièces du mobilier y forcent encore l'admiration. La première et la plus remarquable sans doute, est la pendule qui donna son nom au cabinet où elle se trouve. Il s'agit d'une horloge astronomique conçue par l'ingénieur Passemant et à l'horloger Dauthiau. Elle fut installée au château en 1754 sur un socle de marbre, pour que les vibrations dus aux pas des passants ne troublent pas sa fragile mécanique. Cette horloge indique la date, et ce jusqu'en 9999 en tenant compte des années bissextiles, les phases de la lune et le mouvement des planètes selon le système copernicien.
Le secrétaire à cylindre de Riesner
Louis XV aimait à rassembler sa famille devant cette horloge pour fêter le passage à la nouvelle année. La seconde pièce remarquable est le secrétaire à cylindre, signé par l'ébéniste Riesner. qui  outre la qualité de sa facture, présente la prouesse technique de donner la possibilité à son propriétaire de fermer le cylindre et tous les tiroirs d'un quart de tour de clef, à l'exception de ceux où se trouvaient l'encre et le papier et que devaient alimenter régulièrement les domestiques.
Autre nouveauté du XVIIIe siècle, Louis XV se fit aménager en 1769 une salle à manger, qui est une invention du siècle des Lumières, dite Salle à Manger des Retours de Chasse.

Auparavant ont dînait et soupait soit dans une antichambre ou dans la chambre, longtemps pièce principale du château, où une table était dressée sur des tréteaux (Ne dit-on pas encore "dresser la table"?) comme c'était le cas sous Louis XIV. Autre nouveauté aussi, dès 1728 le roi se fera construire une salle de bain dont le réservoir à eau et la chaufferie se trouvaient à l'étage supérieur.

La bibliothèque de l'appartement
de madame du Barry.
Agoraphobe, Louis XV goûtait fort peu la représentation constante à laquelle il était astreint quotidiennement. Pour suppléer à ce manque d'intimité, il fit construire à l'attique des petits appartements sans cesse remaniés qui furent d'abord occupés par lui puis par sa maîtresse en titre madame du Barry de 1769 à 1774. Là, le roi entouré d'amis pouvait se conduire en simple gentilhomme et servir lui-même le café à ses invités. Mais ce qui convenait à un particulier ne seyait pas à un roi. Le roi de plus en plus absent, la cour n'était plus comble tous les jours. "Versailles était déserté." En se soustrayant à son rôle de représentation et en se conduisant comme un gentilhomme de son temps Louis XV contribua, sans le vouloir, à désacraliser l'image de la monarchie. Ses successeurs, n'ayant pas conscience du danger, continueront dans cette voie. Cachés, on pouvait alors attribuer aux souverains toutes sortes de vices et de méfaits. La cour perdait sa raison d'être et les dépenses qu'elle occasionnait paraissaient d'autant  moins justifiées à l'opinion naissante.

La salle d'opéra
Le chef-d'œuvre de Louis XV et le dernier grand chantier de l'Ancien Régime au château fut la salle d'Opéra construite au bout de l'aile du Nord par l'irremplaçable Jacques-Anges Gabriel, premier architecte du Roi depuis 1742. Louis XIV avait eu pour projet d'en bâtir une mais sa mort et les difficultés de la fin de son règne ne lui avaient pas permis de mener ce projet à terme. Cet immense palais destiné aux fastes et fêtes les plus fabuleuses d'Europe n'avait pas de salle de spectacle, il fallait y remédier. Ce fut chose faite à l'occasion du mariage du dauphin (futur Louis XVI), petit-fils du roi et de Marie-Antoinette d'Autriche en 1770. L'opéra fut construit en un temps record de vingt-et-un mois. Tout en bois, peint en faux marbre, la salle dispose d'une acoustique d'une extraordinaire qualité. Construite en ovale, la visibilité y est bonne partout. En outre le plancher escamotable pouvait se relever à hauteur de scène pour se transformer en salle de bal. Ce fut véritablement le chef-d'œuvre de Louis XV. Les fêtes du mariage princier furent somptueuses et restèrent dans toutes les mémoires.

L'escalier Gabriel
Louis XV se voulait certes conservateur et entendait conserver l'oeuvre de son arrière-grand-père mais le XVIIIe siècle épris de raison, ne pouvait souffrir ce "palais de Janus"qui était une insulte à l'unité de style voulue alors. En outre, l'empilement des petits cabinets le fait de rogner sur les cours intérieures pour s'agrandir donnait au château un aspect jugé gothique. Première entorse à son vœu de conservation, le roi fit détruire en 1752 l'escalier des Ambassadeurs, qui avait servi un temps de petit théâtre à madame de Pompadour. Trop fragile pour être utilisé celui-ci, depuis la construction du Salon d'Hercule, ne desservait que partiellement le grand appartement. Gabriel avait pour projet de le remplacer par un monumental escalier en pierre qui marque l'avènement du style néoclassique qui devait marquer la fin du siècle. Celui-ci ne fut finalement achevé qu'à l'extrême fin du siècle dernier. A l'exubérance et au charme du style rocaille, succédait un style plus sévère fait de lignes droites lui conférant une majesté grave qui n'avait rien à envier aux temples gréco-romains. Si cet escalier s'avère être une réussite architecturale, on peut néanmoins regretter la perte du magnifique escalier des Ambassadeurs.

Le Grand Dessein de Gabriel

L'aile Gabriel
C'est dans cette veine "néoclassicisante", qui marquait la volonté d'un retour au grand style Louis quatorzien que Gabriel proposa au roi, longtemps hésitant, de reconstruire en pierre la façade côté ville du château, ce qui aurait eu pour mérite de lui conférer une unité de style entre les côtés ville et jardin mais aussi avec la chapelle qui elle, avait été construite en pierre. Cependant, cette transformation eût sans doute été la pire erreur de Louis XV et l'on peut se réjouir d'avoir conservé la charmante façade de brique et de pierre du château de Louis XIII. Si les travaux avaient abouti, le palais eût présenté côté ville l'aspect des bâtiments entourant la place Louis XV (actuelle place de la Concorde, construite par Gabriel). Le château y aurait sans doute beaucoup perdu et sa façade aurait eu la même monotonie que les châteaux de Compiègne (près de Paris) et de Buckingham Palace à Londres. Les travaux débutèrent néanmoins en 1771, mais ne purent aboutir du fait de la mort du roi et des difficultés financières de la fin du règne. Seule l'aile du gouvernement, appelée désormais aile Gabriel (côté chapelle), fut achevée.

Louis XV mourut le 10 mai 1774 dans l'indifférence générale, lui qui avait été tant aimé au début de son règne. Tous acclamèrent le jeune roi Louis XVI âgé de 19 ans et la jeune reine Marie-Antoinette âgée de 18 ans. Une nouvelle époque s'ouvrait. Le crépuscule de la monarchie traditionnelle pouvait commencer.

Je ne dispose pas des droits sur les images. Elles ne sont là qu'à titre d'illustration et je n'en retire aucun bénéfice financier.

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