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Le château de Versailles sous Louis XVI et Marie-Antoinette


Louis XV mourut à Versailles le 10 mai 1774 des suites de la petite vérole qu'il avait contractée. Le trône échut à son arrière petit-fils, Louis-Auguste, âgé de 19 ans, que l'on connaîtra désormais sous le nom de Louis XVI. Comme chacun le sait, Louis XVI était marié depuis 1770 à Marie-Antoinette d'Autriche fille de la grande Marie-Thérèse d'Autriche de la maison de Habsbourg, qui régnait sur son empire d'une main de fer. Sous le nouveau règne, Versailles allait à nouveau connaître son lot de d'aménagements et de changements mais de chantier d'envergure point.

Louis XVI et Marie-Antoinette
Le Versailles de Louis XVI, c'est avant tout celui de Marie-Antoinette. Du moins pour ce qui est du petit Trianon, mais pour le château lui-même et pour la vie de cour qu'il abritait et qu'elle goûtait fort peu, la reine ne joua pas de rôle prépondérant en matière d'art et de goût. Encore plus peut-être que sous le règne précédent, le goût était au retour à la nature et sous l'influence de l'Emile de Jean-Jacques Rousseau et devant le modèle du gentleman farmer anglais, l'aristocratie aspirait à plus de simplicité, à plus de simplicité.

Cependant, sous le règne de Louis XVI, Versailles garde tout son prestige. L’Étiquette y est plus ou moins respectée et le rituel monarchique continuait de se dérouler aux yeux du public comme au temps de Louis XIV. Versailles reste un théâtre magnifiant la monarchie. Cependant, ce théâtre se vide progressivement de son public et les acteurs n'incarnent plus aussi bien qu'avant leur rôle. Versailles est une coquille vide, coupé de son époque. La vie de cour peut encore y être brillante et le château retrouve, certains jours, la cohue qui le caractérisait sous le règne du Grand Roi. Mais les jours ordinaires, Versailles est esseulé. On s’ennuie à Versailles. Louis XVI n'a aucun goût pour le faste et la représentation et une fois ses devoirs de représentation accomplis, il s'enferme dans ses cabinets intérieurs ou part à la chasse. La reine, quant à elle, n'attend que le moment propice pour fuir à Trianon où elle vit en châtelaine recevant ses intimes lions des contraintes imposées par l’Étiquette. Le roi lui même doit être invité pour y venir! Par conséquent, le château se vide. Pourquoi y venir puisque les souverains n'y sont pas? L’Été, le château est désert, les jours de la semaine aussi. Il n'y a que le samedi et le dimanche et les jours de grandes cérémonies et festivités monarchiques que le château retrouve vie. Un jour d’Été 1783, la reine ne trouva personne sur son chemin qui la menait de ses appartements à la chapelle. Imaginez donc! Elle traverse la galerie des glaces accompagnée de ses dames et celle-ci est totalement déserte. Seuls quelques gardes devaient s'y trouver. Quelle image insolite. Il devait y planer une atmosphère de crépuscule monarchique.

Le grand cabinet intérieur
Le château ne connaîtra plus de campagnes de grands travaux. Le Trésor est en piteux état et le soutien aux insurgents américains ne fit qu'aggraver la situation. Quand la reine résidait au palais, elle ne sacrifiait qu'avec impatience aux obligations de sa charge et se retirait dans ses cabinets intérieurs une fois que celles-ci avaient été remplies. Entre 1781 et 1783, elle les fit aménager et décorer dans le goût de son temps par Richard Mique. Le style néoclassique y règne mais adoucit par une grâce que l'on peu qualifier de féminine, presque maniérée. Elle confère à ces cabinets un charme indescriptible qui, comme au Trianon, nous donnent à deviner la personnalité de la reine. La souveraine y dispose d'un appartement en parallèle avec une chambre de repos, une salle des bains, deux bibliothèques, un salon et un boudoir. Elle y recevait ses intimes, le gros de la cour n'y avait pas accès. La reine, au contraire de Marie-Thérèse et de Marie Leczinska, y impose sa marque et rompt parfois avec le style monarchique. Toutefois, le grand cabinet intérieur retrouve l'ordre d'un style néoclassique voire pompéien, alors en vogue depuis la redécouverte du site de la ville antique de Pompéi.

La bibliothèque de Louis XVI
Louis XVI lui-même n'était pas indifférent à la nouveauté. Épris de sciences et de géographie, c'était un esprit curieux et plus ouvert qu'on ne l'a souvent dépeint. A Jacques-Ange Gabriel, on préfère Richard Mique qui sait mieux répondre aux attentes des jeunes souverains. Tout comme son prédécesseur, celui-ci eut pour projet de reconstruire la façade côté ville et de totalement réaménager le château. La cour de marbre devait être fermée et le roi et reine auraient chacun disposé d'un appartement symétrique de chaque côté du palais.  Le manque d'argent et la Révolution ont sauvé le Versailles de Louis XIV. Si Louis XVI ne marqua pas réellement le château de son empreinte, dès son avènement il fit remettre au goût du jour le décor de son appartement intérieur. Il chargea Gabriel de lui aménager une bibliothèque dans le plus pur style néoclassique. Au contraire de sa femme, Louis XVI n'en fit pas une pièce d'apparat, mais un endroit où il aimait lire et étudier loin des remous de la cour. Le roi fit placer dans cette pièce une lunette qui lui permettait non pas d'observer les astres, mais, jeu plus futile, d'épier le va et vient dans les cours du château! Le roi se fit aussi aménager une pièce des jeux d'un charme certain et enfin un cabinet de la garde-robe. Hormis ces trois cabinets, certes beaucoup plus sobres que les cabinets Louis XV, mais non sans un charme discret, Louis vécu dans les lieux qu'avaient construits ses aïeux.

Les femmes à Versailles
S'il avait été plus avisé, Louis XVI eût pu épargner à la France les dix années sanglantes de la Révolution. Versailles a été une des causes de celle-ci. Il fut le catalyseur des critiques acerbes écrites à Paris, toujours jalouse de voir ses souverains résider à Versailles. Bien que le château ait toujours été ouvert au public depuis que la cour s'y était établie, la résidence royale était coupée du monde. Louis XIV, avant de s'établir à Versailles, avait largement parcouru son royaume. En cette fin de XVIIIe siècle, les souverains et leurs proches vivaient dans un univers artificiel dont le langage et les manières les différenciaient fortement du reste du royaume. Le luxe y était toujours de mise. Pourtant Marie-Antoinette n'a pas ruiné le royaume, la guerre d'Indépendance américaine s'était chargée de le faire. En venant en aide aux insurgés, Louis XVI a définitivement grévé les finances du royaume, ce qui aboutira à terme à la réunions des Etats Généraux à Versailles dans l'hôtel des Menus-Plaisirs en mai 1789. Une littérature de libelles de plus en plus violents et orduriers se déchaînèrent contre les souverains et la reine en particulier. L'affaire du collier en 1785 fut le coup de grâce et le crédit de la reine ne s'en remis jamais totalement. Les souverains coupés d'un royaume et d'un peuple qu'ils ne connaissaient pas ne pouvaient prendre les décisions qui s'imposaient. Il eût été plus sage pour Louis XVI de quitter Versailles pour établir une cour réduite aux Tuileries. Il n'en fut rien. Les femmes de Paris et quelques hommes déguisés en femme se chargèrent d'aller chercher "le boulanger, la boulangère et le petit mitron." dans les journées du 5 et 6 octobre 1789 qui traumatisèrent la reine qui avait échappé de peu à la mort. Les souverains apprenaient à connaître leur peuple dans la peur, bien mauvaise conseillère.

Le serment du Jeu de Paume
La ville de Versailles, on l'oublie souvent, fut le siège des prémices de la Révolution, là où se déroulèrent le serment du Jeu de Paume, l'abolition des privilèges et la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Mais après les journées d'octobre, le roi, le gouvernement et l'assemblée nationale quittèrent Versailles pour Paris. Cette cité qui avaient été pendant un siècle la capitale non avouée du royaume, allait doucement s'endormir loin des remous de sa voisine parisienne toujours agitée de conflits  politiques et sociaux. Versailles qui n'est qu'à 25 kilomètre de Paris a toujours semblé se trouver à 300 km de la capitale tant elle a sa personnalité propre et diffère totalement dans son esprit et son architecture de son ancienne rivale. Je ne manquerai pas de consacrer un article à l'histoire de cette ville magnifique. Car Versailles ce n'est pas qu'un château, c'est aussi un ensemble urbain incomparable qui a inspiré de nombreux urbanistes et architectes, dont le français Pierre l'Enfant créateur de Washington DC.

Mais revenons à 1789. Le château abandonné ne fut pas démoli. La jeune municipalité travailla à conserver ce joyau de l'architecture française. Les meubles, toutefois, furent vendu aux enchères quatorze mois durant, du 10 juin 1793 au 11 août 1794. Cependant "la charrue ne passa pas à Versailles" comme le clamait les sans-culottes. La Convention, en pleine Terreur, respectueuse du legs artistique des monarques classa Versailles parmi les résidences entretenues aux frais de la République. La Révolution a paradoxalement sauvé Versailles des remaniements qu'il aurait immanquablement connu si celle-ci n'avait pas eu lieu. Grâce à elle, on peut encore aujourd'hui admirer le magnifique palais de Louis XIV, écrin d'œuvres d'art inestimables et témoin de l'évolution du goût français à son apogée, quand la cour de Versailles dictait le bon ton à la France et à toute l'Europe.

Je ne dispose pas des droits sur les images. Elles ne sont là qu'à titre d'illustration et je n'en retire aucun bénéfice financier.

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